
Le scénario est le film écrit. C'est donc un genre littéraire, mais un genre bâtard, car cette Ïuvre est destinée à être lue par un très petit nombre de lecteurs (producteur, techniciens, acteurs soit au mieux une petite centaine de personnes) et surtout à ne pas rester dans cette état. C'est en effet un film en attente, et après le montage peu d'exemplaires seront conservés, et probablement aucun ne sera jamais lu.
Il faut raconter une histoire, suffisamment bonne pour que le spectateur s'en souvienne facilement; si le spectateur n'est pas capable de se raconter à lui-même l'histoire on dérape. (Orson Welles disait que pour un bon film il faut 3 éléments: a good story, a good story and a good story).
Il est l'écriture de l'histoire; il englobe idée, synopsis, traitement (ou continuité; c'est l'action) et continuité dialoguée.
La première étape est donc d'avoir une idée;
L'idée doit ensuite être développée et enrichie pour en faire une histoire, qui devient ensuite un récit complet;
Ce récit est ensuite mis dans un ordre de narration, qui ne sera pas nécessairement l'ordre chronologique: c'est le scénario.
Ce n'est qu'ensuite que l'on procède à l'écriture de ce concentré alléchant qu'est le synopsis.
Scénariser
Le scénario se distingue de la littérature par cette transformation future en film. La différence d'écriture apparaît dans la scénarisation du récit.
Scénariser consiste de manière simplifiée à
-traduire tout en termes concrets: personnages, actions,
-diviser en scènes formant des unités élémentaires de récit en un lieu (décor) et qui remplissent une fonction
Le non-dit
Comme dans toute réalisation, audiovisuelle notamment, le non-dit est le plus opérant des moyens de communiquer avec spectateur. Il doit ressentir les choses, s'imprégner des atmosphères, se positionner par rapport aux personnages, se prendre au jeu des situations. On obtient une telle implication par le non-dit. Comme dans la vie, ce sont souvent les actes qui comptent plus que les mots. On se sent plus aimé par des marques d'affections que par l'énonciation de la phrase "je t'aime". Au cinéma on est convaincu de la haine par la vision de comportements hostiles bien plus que parce qu'un personnage explique dans un dialogue qu'il déteste l'autre. Au niveau de la scène comme celui du film, on comprend d'ailleurs aisément que le film est un récit et non un discours, On peut certes se faire raconter le film par quelqu'un, mais cela ne peut remplacer le fait de l'avoir vu, donc d'avoir éprouvé, face au film des impressions et émotions. Lorsque l'on écrit un scénario, il ne faut pas perdre de vue cette nécessité impérative de communiquer par le non-dit.
Le décalage de l'information
On va donc créer une histoire, mais c'est une deuxième étape du scénario qui consiste à la raconter. Il existe en effet pour une histoire trois niveaux différents de connaissances:
-la connaissance de l'auteur: l'auteur connaît la totalité de l'histoire, du début à la fin, avec tous les éléments qui s'y rattachent
-la connaissance du spectateur: elle est ce que l'auteur décide qu'il saura; l'art consiste donc à informer le spectateur selon la réaction que l'on escompte. Le spectateur découvre au fur et à mesure, dans un ordre qui n'est pas nécessairement celui de la chronologie absolue (c'est le cas lorsque l'auteur utilise le système du flash-back qui permet au spectateur d'avoir la connaissance d'événements antérieurs. Dans Le dernier empereur, on découvre l'Empereur à la moitié de sa vie, quand il arrive en camps, puis par flash back on le voit tout petit; le spectateur a donc connaissance de deux temps de la vie du personnage, mais ne sait rien de ce qui s'est passé entre ces deux époques; l'auteur lui sait tout, de même que l'Empereur. Mais l'auteur sait aussi ce qui va se passer après cette gare ou arrivent ces déportés dont l'Empereur, mais ni le spectateur ni l'Empereur ne le savent.
- la connaissance des personnages: c'est là aussi l'auteur qui la détermine. Si les personnages connaissent généralement leur propre passé, ils ne connaissent pas leur avenir, ils ne connaissent pas non plus les faits expérimentés par les autres. Par contre le spectateur pourra avoir une connaissance relevant de l'ubiquité (il voit le héros agir dans un lieu, et son ennemi arriver derrière la porte); la connaissance décalée des personnages et du spectateur est la base des mécanismes de suspens, attente ou détournement d'attention du spectateur. C'est donc là que se trouve un des ressorts de la dramaturgie.
Ainsi il n'existe pas une histoire, mais des histoires. Le travail de scénarisation consiste donc a établir la connaissance de l'auteur, puis de l'organiser pour déterminer la connaissance du spectateur, c'est à dire la manière dont le spectateur va acquérir la connaissance de la globalité de l'histoire.